Dans la lutte pour l’environnement, l’état de nécessité ne saurait justifier la commission d’une infraction

Un groupe de militants écologistes avait fait irruption dans des magasins de jardinage, s’était emparé de bidons de pesticides en vente dans ces magasins pour les enduire de peinture. Les activistes expliquaient que leurs actions visaient à alerter sur les dangers du glyphosate, contenu dans ces produits, lesquels étaient en vente dans des conditions contraires à la réglementation.


Convoqués à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef de destruction, dégradation ou détérioration grave du bien d’autrui en réunion, ils avaient fait l’objet d’une décision de relaxe de la part du tribunal correctionnel de Foix. Mais sur appel du ministère public, la cour d’appel de Toulouse a retenu les militants dans les liens de la prévention, rejetant le fait justificatif tiré de l’état de nécessité.


Si la cour d’appel a reconnu que le caractère nocif de l’exposition aux pesticides, tels que le glyphosate, puisse être considéré comme un danger actuel ou en tout cas comme un péril imminent pour les personnes au sens de l’article 122-7 du Code pénal, elle a refusé d’admettre l’état de nécessité en considérant que les prévenus ne démontraient pas en quoi la dégradation de bidons et de flacons de produits désherbants dans un magasin constituerait un acte nécessaire et le seul moyen indispensable à la sauvegarde des personnes.


Le pourvoi pouvait sembler se heurter à la jurisprudence rendue en matière d’action collective à caractère militant ou politique, qui refuse de légitimer la commission d’infractions au nom de l’état de nécessité (Crim., 18 février 2004, n°03-82.951 ; Crim., 22 septembre 2021, pourvoi n°20-80.895).


Mais il soulevait toutefois une argumentation supplémentaire en faisant valoir que les avancées en matière de réglementation sur le glyphosate, bien lentes, n’avaient été rendues possibles que grâce à des actions telles que les faits poursuivis dans la présente affaire. Les militants en voulaient pour preuve que la présente affaire avait donné lieu à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er octobre 2019, qui constitue une avancée significative pour la cause qu’ils défendent, et pour lutter contre le danger qu’ils dénoncent.


Etait ainsi posée la question de l’assouplissement de la notion de l’état de nécessité au profit de prévenus ayant commis un acte pas forcément « nécessaire » au sens de l’article 122-7, c’est-à-dire sans alternative possible, mais « utile », au sens où il permettrait d’éviter le danger encouru de manière plus efficace que n’importe quel autre moyen ne tombant pas sous le coup de la loi pénale.


La Cour de cassation a refusé d’infléchir sa jurisprudence considérant que la cour d’appel a souverainement estimé qu’il n’était pas démontré que la commission d’une infraction était le seul moyen d’éviter un péril actuel ou imminent.

Crim., 29 mars 2023, n°22-83.911 au Bull.



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