Précisions sur le régime juridique des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l’article L.450-4 du code de commerce
Par un arrêt du 30 janvier 2024 qui aurait pu mériter les honneurs d’une publication, la Chambre criminelle vient compléter le régime juridique des opérations de visite et saisie (OVS) chez la personne « mise en cause » au sens de l’article L. 450-4 du code de commerce, c’est-à-dire la « personne visée par une demande d’autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement de pièces saisies au cours d’une précédente visite domiciliaire effectuée chez un tiers ».
Dans son arrêt de principe du 13 juin 2019 (Crim. 13 juin 2019, n° 17-87.364, Bull. crim. n° 116), la Haute juridiction avait jugé que le droit au recours de la personne « mise en cause » contre la demande d’autorisation la concernant impliquait qu’elle puisse contester le déroulement des opérations antérieures chez des tiers dont sont issues les pièces servant ensuite à sa propre mise en cause. Pour ce faire, il a été exigé que le procès-verbal et l’inventaire des saisies antérieures soient notifiés à la personne « mise en cause » et annexés tant à la requête de l’Autorité sollicitant l’autorisation d’OVS qu’à l’ordonnance d’autorisation du JLD qui doit lui être notifiée dès le début des opérations la concernant.
Dans sa décision du 30 janvier 2024, la Cour de cassation vient cette fois préciser les conséquences d’une absence de notification régulière faite à la personne « mise en cause » des pièces issues des précédentes OVS.
Si la Haute juridiction décide malgré tout de « sauver » la procédure de visite domiciliaire de l’Autorité de la concurrence en se fondant sur certains éléments, pourtant assez résiduels, du dossier dont l’illicéité n’a pas été établie (selon une pratique usuelle, mais qu’on peut trouver ici excessivement bienveillante puisque les motifs de son arrêt font ressortir pas moins de trois violations de la loi entachant la décision du premier président de la cour d’appel qui était frappée de pourvoi), elle juge néanmoins, sur le principe, que « c’est l’absence de notification à la personne mise en cause de pièces produites dans les conditions sus-décrites » [ie : résultant de son arrêt du 13 juin 2019] « qui leur confère un caractère illicite ».
Le juge de l’autorisation des OVS ne peut donc pas, pour apprécier si la demande repose sur une présomptions suffisante de l’existence de pratiques anticoncurrentielles, analyser des pièces qui, saisies antérieurement lors d’opérations chez un tiers que la personne « mise en cause » n’a pas été effectivement mise en mesure de contester dans les conditions légalement requises et en temps utile, « doivent être écartées des débats ».
Contrairement à ce que soutenait l’Autorité de la concurrence qui considérait que la seule conséquence de la méconnaissance de l’exigence de notification des pièces à la personne « mise en cause » dès le début de la procédure la concernant était de proroger son délai de contestation des précédentes opérations, la violation du droit au recours de la personne « mise en cause » est ainsi définitivement acquis si les conditions de notification ne sont pas respectées au moment où cette notification doit intervenir. Et cela a pour effet de rendre radicalement illicites toutes les pièces issues des opérations antérieures chez des tiers. Ces pièces devront être écartées des débats et ne pourront pas fonder une autorisation d’OVS concernant la personne « mise en cause ».
Crim. 30 janvier 2024, n° 22-82.589